Apr&egrave;s de longs mois de rideaux tir&eacute;s et des infid&eacute;lit&eacute;s avec le shopping en ligne, les clients sont de retour dans les magasins, lieux de d&eacute;couvertes et de sociabilit&eacute;. En Belgique et partout dans le monde, la diff&eacute;rence qui ram&egrave;ne l&rsquo;attention sur les portants, c&rsquo;est l&rsquo;exp&eacute;rience.&nbsp;

Avec &agrave; peu pr&egrave;s tout et n&rsquo;importe quoi de disponible au bout d&rsquo;un clic, en pyjama et &agrave; 4 heures du matin, il a fallu aux boutiques d&eacute;velopper une nouvelle cr&eacute;ativit&eacute; pour inciter les consommateurs &agrave; sortir de chez eux. Mais selon les projections du cabinet de conseil et strat&eacute;gie Bain &amp; Company sur le luxe* pour 2023, "les magasins retrouvent leur r&ocirc;le : les formats de boutiques en propre continuent de conqu&eacute;rir le march&eacute;, tandis que les canaux en ligne voient leur croissance se maintenir. Les fronti&egrave;res entre mono-marques et e-commerce devraient progressivement s&rsquo;estomper, encourageant l&rsquo;adoption par les marques d&rsquo;une approche 'omnicanal 3.0', facilit&eacute;e par les nouvelles technologies." Que l&rsquo;on soit une marque de grande distribution ou une maison de cr&eacute;ateur avec quelques boutiques et points de vente, le d&eacute;fi est d&rsquo;une certaine fa&ccedil;on similaire, m&ecirc;me si les moyens d&rsquo;y r&eacute;pondre d&eacute;pendent beaucoup de la force marketing. La crise Covid a perturb&eacute; le march&eacute; et, si 2021 a b&eacute;n&eacute;fici&eacute; d&rsquo;un effet "euphorie de la reprise", la situation est vite revenue au point o&ugrave; on l&rsquo;avait quitt&eacute;e en 2019 : une redistribution des cartes dans l&rsquo;industrie du v&ecirc;tement, qui secoue sous les portants.&nbsp;

Cultiver une dimension sociale&nbsp;
C&rsquo;est vieux comme le monde, cyclique comme la mode. Les clients reviennent en magasin, mais attendent &agrave; la fois du service et d&rsquo;y vivre un moment diff&eacute;rent. Oc&eacute;ane Stanislas, responsable des achats mode femme pour les grands magasins Simons au Canada, souligne l&rsquo;importance de la notion de rituel. "Paradoxalement, les r&eacute;seaux sociaux ont affect&eacute; les usages sociaux. Notamment pour les jeunes, le shopping est (re)devenu une forme de lien aux autres et les boutiques, des lieux de rencontres et d'interaction. D'apprentissage, aussi. Les boutiques restent des hubs sociaux. Beaucoup de magasins misent sur l'activation et la personnalisation pour diversifier la pratique uniquement fonctionnelle des achats en ligne. Pour de nombreuses personnes &acirc;g&eacute;es, aller en magasin est &eacute;galement une fa&ccedil;on de parler avec d'autres gens, de voir de la vie. Pour moi, en 2023, le cheval de bataille sera de renforcer les exp&eacute;riences, avec du shopping personnalis&eacute;, des s&eacute;ances d'afterwork avec un verre, pour partager du temps avec ses amis. Le lien social, c'est aussi d'interagir avec des gens qui ne sont ni nos amis, ni notre famille. &Ccedil;a se perd, mais les magasins peuvent contribuer &agrave; perp&eacute;tuer la notion de service &agrave; la client&egrave;le, &agrave; cultiver des valeurs d'accueil, le simple fait de sourire &agrave; quelqu'un qu'on ne conna&icirc;t pas." Le service et l&rsquo;expertise font d&eacute;j&agrave; partie des piliers de Stijl &agrave; Bruxelles, institution de la mode de cr&eacute;ateurs belges depuis quarante ans. L&agrave;, Sonja No&euml;l s'adresse &agrave; une client&egrave;le avertie, qui prend son temps pour choisir. "Les clients s'informent sur le site, mais viennent acheter en boutique. Dans les cabines, les d&eacute;cisions se prennent par la s&eacute;duction des v&ecirc;tements et par la confirmation dans le miroir." La commer&ccedil;ante a vu &eacute;voluer le quartier et constate que si les passants qui visitent m&eacute;thodiquement toutes les boutiques de la rue Dansaert le samedi apr&egrave;s-midi se sont rar&eacute;fi&eacute;s, d&eacute;sormais, ce sont plut&ocirc;t les connaisseurs qui se d&eacute;placent. "Ils savent qu&rsquo;on va leur proposer des silhouettes, des harmonies de v&ecirc;tements. Pour nous, le meilleur service part du dialogue. On pousse ou on adoucit les propositions des cr&eacute;ateurs ; il n'est pas question ici de ce qui est &ldquo;joli&rdquo;, nous allons un pas plus loin. Les jeunes hommes qui entrent chez nous essayent sans probl&egrave;me des jupes par exemple, nous conseillons chacun en fonction de sa personnalit&eacute;. La mode cr&eacute;ateurs est toujours singuli&egrave;re, c'est un univers ouvert." Un langage aussi, qui n&rsquo;est pas pr&egrave;s de se passer de conseils ni de savoir-faire.

Survivre en s&rsquo;adaptant
"Les clients recherchent des exp&eacute;riences compl&egrave;tes, au-del&agrave; du simple achat, ce qui a permis l'&eacute;mergence de caf&eacute;s dans les boutiques Fendi, de bars &agrave; burgers sigl&eacute;s chez Louis Vuitton ou, pour Loewe, la cr&eacute;ation d'un corner chez Selfridges qui reconstitue l'univers du Ch&acirc;teau ambulant de Miyazaki, avec des recettes con&ccedil;ues par l&rsquo;atelier de chef Balbost&eacute; pour upgrader et d&eacute;finir l'exp&eacute;rience de marque. Dans la boutique Arket &agrave; Bruxelles, le caf&eacute; fait aussi partie int&eacute;grante de l'univers des v&ecirc;tements." &Eacute;milie Desnoyer est sp&eacute;cialiste "objets et espaces" aupr&egrave;s du bureau de tendances Peclers Paris. Elle rappelle que "le 'digitalisme' et les achats en ligne avaient d&eacute;j&agrave; interrog&eacute; la relation consommateurs-marques, ph&eacute;nom&egrave;ne qui s'est encore acc&eacute;l&eacute;r&eacute; avec le Covid. Nous sommes pass&eacute;s d'une verticalit&eacute; de la marque prescriptrice envers ses clients &agrave; l'horizontalit&eacute;, qui implique une interaction et un enrichissement commun. Il est important pour les consommateurs de s'ancrer dans le physique avec les marques, quitte &agrave; enrichir cette exp&eacute;rience avec des NFT." Parall&egrave;lement, les pop-up stores se multiplient (on les appelle aussi "guerilla stores" &agrave; Londres), pour attirer le regard et le client. Pour &Eacute;milie Desnoyer, "les espaces physiques ne sont plus d&eacute;finitifs mais &eacute;ph&eacute;m&egrave;res et cultivent souvent une dimension ludique : les maisons cr&eacute;ent des ambiances exclusives qui ne s'ancrent pas dans une temporalit&eacute; fig&eacute;e, mais plut&ocirc;t dans un art de vivre. Dries Van Noten par exemple a cosign&eacute; en d&eacute;but d&rsquo;ann&eacute;e une collaboration pour sa boutique de Los Angeles avec Laila Gohar**, food designer exceptionnelle, qui a con&ccedil;u tout un univers culinaire coh&eacute;rent avec la marque, pour offrir une exp&eacute;rience diff&eacute;renciante." Si certaines exp&eacute;riences entre les murs flirtent avec la gastronomie, l&rsquo;art ou la science-fiction, la valeur ajout&eacute;e de la durabilit&eacute; passe aussi par un accompagnement gants blancs.

Des services qui d&eacute;passent le cadre de la boutique
Pour Cachemire Coton Soie, fond&eacute;e il y a plus de trente ans, Sophie Helsmoortel offre d&eacute;sormais un service de curation de dressing. Elle-m&ecirc;me, ou l'une de ses collaboratrices, se d&eacute;place chez les clientes pour les aider &agrave; faire du tri, &agrave; composer des ensembles, &agrave; identifier ce qui leur manque, &agrave; r&eacute;aliser ce qu&rsquo;elles poss&egrave;dent d&eacute;j&agrave; en suffisance ou qui ne les met pas forc&eacute;ment en valeur. "C'est une mise en conscience, par une mise en confiance. Dans la boutique, nous cultivons aussi une certaine continuit&eacute; dans les collections, on peut souvent r&eacute;adapter une pi&egrave;ce qu'on avait achet&eacute;e la saison pass&eacute;e avec ce qu'on trouve aujourd'hui. Il y a une coh&eacute;rence, une d&eacute;marche assum&eacute;e contre l'obsolescence programm&eacute;e." Partageant la d&eacute;couverte d&rsquo;univers tactiles et sensoriels compl&eacute;mentaires, clients et commer&ccedil;ants &eacute;changent, autour des nouveaux d&eacute;fis de l&rsquo;&eacute;co-consommation, des id&eacute;es et des points de vue. "Ici, on est dans la v&eacute;rit&eacute; : des formes, des finitions, des coupes, des couleurs et des tailles. En outre, on profite toujours plus d&rsquo;un achat qu'on a investi."&nbsp;Et on red&eacute;couvre, avec le prix de la relation, la nuance entre ce qu&rsquo;un v&ecirc;tement co&ucirc;te et ce que son achat vaut.

*&Eacute;tude publi&eacute;e en collaboration avec la Fondazione Altagamma **Gohar World

Comment les boutiques physiques se sont réinventées face au shopping en ligne ?

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