Avec une concurrence end&eacute;mique et un contexte &eacute;conomique tendu, l&rsquo;&eacute;cr&eacute;mage dans la mode devient plus s&eacute;v&egrave;re que jamais. Comment les plus ambitieux se d&eacute;marquent-ils alors que les limites du march&eacute; se resserrent ?

"Le succ&egrave;s est li&eacute; &agrave; l'&eacute;nergie de la personne, mais surtout &agrave; sa r&eacute;silience face aux &eacute;checs. Dans notre culture, on s'arr&ecirc;te face aux revers, contrairement aux Am&eacute;ricains, pour qui une d&eacute;faite n&rsquo;est qu'une &eacute;tape vers la r&eacute;ussite. Ici, on ne valorise pas la prise de risques", rappelle Nathalie Dufour qui a fond&eacute; le tr&egrave;s prestigieux Prix de l&rsquo;Andam il y trente-cinq ans. Cette initiative, soutenue par Pierre Berg&eacute;, a permis, par l&rsquo;attribution de bourses importantes et un mentorat d&eacute;terminant, l&rsquo;&eacute;mergence et le d&eacute;veloppement de nombreuses marques de cr&eacute;ateurs incontournables. Avec une surrepr&eacute;sentation des Belges ou anciens &eacute;tudiants de La Cambre : Martin Margiela, premier laur&eacute;at en 1989, puis au fil des ann&eacute;es V&eacute;ronique Leroy, <a href="https://www.lofficiel.be/mode/anthony-vaccarello-entre-courbe-ascendante-et-magie-des-lignes" target="_blank" rel="noopener">Anthony Vaccarello</a>, Marine Serre, Ester Manas, Louis-Gabriel Nouchi, Patrick Van Ommeslaeghe, Natalia Brilli, Christian Wijnants, Bruno Pieters, Y/Project, Botter, et la liste n&rsquo;est m&ecirc;me pas exhaustive. Op&eacute;ratrice privil&eacute;gi&eacute;e de cet incubateur de talents, Nathalie Dufour insiste: "Il faut voir grand, &ecirc;tre m&eacute;galomane, ne pas avoir peur de s&rsquo;endetter, s&rsquo;affirmer avec une histoire de marque coh&eacute;rente et ancr&eacute;e dans la r&eacute;alit&eacute;." Le message est clair : ce n&rsquo;est pas un m&eacute;tier pour caract&egrave;res timor&eacute;s. La peur de l'&eacute;chec, encore, est beaucoup plus ancr&eacute;e chez les filles, qui se sentent trop souvent ill&eacute;gitimes. L&rsquo;experte d&eacute;plore : "Les jeunes femmes ont tendance &agrave; s&rsquo;excuser d'&ecirc;tre l&agrave; o&ugrave; elles en sont, elles ont le syndrome de l'imposteur tr&egrave;s ancr&eacute;, ce qu'on n&rsquo;observe pas du tout chez les gar&ccedil;ons. Il faut absolument les coacher &agrave; ce sujet. On a encore l'image qu'une femme qui r&eacute;ussit est agressive, p&eacute;jorativement masculine, imprudente. Mais le succ&egrave;s de Marine Serre est un beau contre-exemple : elle est tr&egrave;s d&eacute;termin&eacute;e et n&rsquo;&eacute;coute pas le dernier qui a parl&eacute;. Elle n'a pas pr&ecirc;t&eacute; attention &agrave; ceux qui essayaient de la d&eacute;courager ou de la pousser dans un sens plus commercial."

<h3>Souplesse exig&eacute;e</h3>
Coordinatrice &agrave; Wallonie-Bruxelles Design Mode, Laure Capitani constate de son c&ocirc;t&eacute; que "ceux qui tiennent sont les m&ecirc;mes qui sont capables d'une grande adaptabilit&eacute;. Ils trouvent le juste &eacute;quilibre entre rester fid&egrave;les &agrave; leur style avec un ADN reconnaissable et faire &eacute;voluer leurs collections sans rester fig&eacute;s. Les jeunes marques belges qui perdurent sont attentives au retour des clients et d&eacute;veloppent leurs produits en coh&eacute;rence. Valentine Witmeur, par exemple, a commenc&eacute; avec uniquement de la maille, puis elle a progressivement compl&eacute;t&eacute; son offre avec d'autres pi&egrave;ces de pr&ecirc;t-&agrave;-porter." Eva Koninckx, coordinatrice mode chez Flanders DC, ajoute : "De la m&ecirc;me mani&egrave;re, Bernadette, qui s&rsquo;&eacute;tait distingu&eacute;e avec des robes en soie et un concept monoproduit - ce qui est assez int&eacute;ressant sur le plan financier parce qu'on a un seul fournisseur et une seule fili&egrave;re de production - a ensuite d&eacute;velopp&eacute; sa ligne jusqu&rsquo;&agrave; proposer des pi&egrave;ces de d&eacute;coration."&nbsp;Pour&nbsp;Ana&iuml;s Carion, directrice du MAD Brussels, il faudrait aussi "arr&ecirc;ter de parler de la Belgique en &eacute;voquant uniquement l'h&eacute;ritage des ann&eacute;es 80, mais valoriser aussi les nouveaux profils qui portent des r&eacute;f&eacute;rences modernes et contemporaines".

<h3>Se distinguer sur un march&eacute; satur&eacute;</h3>
Eva&nbsp;Koninckx pointe la principale faiblesse dont souffrent les jeunes marques : le manque de vision strat&eacute;gique et l&rsquo;absence d&rsquo;une personne issue du monde entrepreneurial pour compl&eacute;ter l&rsquo;&eacute;quipe cr&eacute;ative. "M&ecirc;me si on dispose de moyens propres, il faut tout de suite parler aux banques et aux investisseurs, parce que quand on a d&eacute;pens&eacute; tout son argent pour la production, le jour o&ugrave; on a besoin de s'adresser &agrave; des organismes financiers, plus personne ne nous suit. Tout repose sur la capacit&eacute; &agrave; g&eacute;rer le cash-flow."&nbsp;Christian Wijnants l&rsquo;a bien compris et, d&rsquo;avoir su s&rsquo;entourer de professionnels qualifi&eacute;s d&egrave;s que sa marque ind&eacute;pendante a d&eacute;coll&eacute;, lui a permis non seulement de durer, mais de se d&eacute;velopper sur un march&eacute; glissant. Fond&eacute;e en 2003, sa maison est soutenue depuis 2013 par un investisseur fid&egrave;le, tandis que parall&egrave;lement, le cr&eacute;ateur a fait appel &agrave; Christophe Mollet, un consultant en strat&eacute;gie de mode qui avait d&eacute;j&agrave; accompagn&eacute;, entre autres, A.F. Vandevorst, Cathy Pill ou Isabel Marant et qui, pendant plusieurs ann&eacute;es, a &eacute;labor&eacute; pour lui une strat&eacute;gie globale &agrave; 360 &deg;. "Il nous a aid&eacute;s &agrave; trouver les bons agents commerciaux sur de nouveaux march&eacute;s - &Eacute;tats-Unis, Japon, Allemagne et Cor&eacute;e notamment. Nous avons commenc&eacute; sous son impulsion &agrave; cr&eacute;er des pr&eacute;-collections et contract&eacute; avec de nouveaux fabricants. Il a revu les plans financiers de la soci&eacute;t&eacute;, est m&ecirc;me intervenu dans la partie cr&eacute;ative, en influen&ccedil;ant le plan de collection d'un point de vue analytique: si nous ne faisions que des pantalons longs pendant une saison, il nous conseillait d'ajouter des coupes trois quarts pour le march&eacute; japonais. Notre collaboration nous a permis de multiplier notre chiffre d'affaires et nous a offert des outils pour grandir. Son intervention nous a permis de rester sur le march&eacute;, de durer et de ne pas r&eacute;p&eacute;ter nos erreurs."

<h3>Le nerf de la mode</h3>
Pour &eacute;quilibrer les comptes de leur soci&eacute;t&eacute;, de nombreux cr&eacute;ateurs ind&eacute;pendants dessinent aussi des collections pour des marques plus commerciales, presque toujours dans l&rsquo;anonymat de grands studios. Mais pour d&rsquo;autres, comme St&eacute;phanie D'Heygere, ce sont des collaborations ouvertes : l&rsquo;Anversoise d&eacute;sormais Parisienne&nbsp; qui g&egrave;re sa propre marque dessine aussi des accessoires pour Diesel et pour Y/Project, et signe r&eacute;guli&egrave;rement des contrats de consultance en direction artistique pour d'autres marques de luxe. Nathalie Dufour constate que "la nouvelle g&eacute;n&eacute;ration de jeunes cr&eacute;ateurs, par rapport &agrave; celle d'il y a dix ans, est plus consciente de la dimension business, elle sait qu'elle doit rapidement s&rsquo;inscrire dans la comp&eacute;tition internationale. Face &agrave; la pression du luxe, elle sait qu'elle doit se d&eacute;marquer. Ces jeunes designers sont disruptifs, ils cassent les codes, cultivent leur individualit&eacute;. Une nouvelle g&eacute;n&eacute;ration de cr&eacute;ateurs pousse des coudes. Ils sont flexibles, ils cherchent des alternatives et proposent leur talent brut, qui diff&egrave;re de l'uniformit&eacute; g&eacute;n&eacute;rale. Ils cr&eacute;ent la surprise, entre les artisanats valoris&eacute;s du monde entier et des propositions tr&egrave;s &ldquo;multipolaires&rdquo;. Ils s&eacute;duisent face aux grandes marques dont l'image est souvent fig&eacute;e. La jeune cr&eacute;ation peut se positionner dans une d&eacute;marche d&rsquo;anticipation. &Agrave; La Cambre de Bruxelles, on comprend tout de suite les concepts des cr&eacute;ateurs et la fa&ccedil;on dont ils pourront se d&eacute;velopper. Les propositions sont de prospective pure, et c'est enchantant."&nbsp;Chaque marque &eacute;mergente nous offre de nouveaux mots pour nous exprimer. Il faut, du c&ocirc;t&eacute; des consommateurs, avoir aussi l&rsquo;&eacute;lan de soutenir ceux qui ont eu le culot de se lancer.

Business du succès : les secrets des jeunes créateurs qui percent (et durent)

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