"Je n'ai jamais eu l'intention de me lancer dans la mode, je suis un footballeur qui a évolué de manière organique dans le domaine du stylisme. Je portais des survêts et à un moment donné, j'ai commencé à les fabriquer moi-même. Mes amis ont été mes premiers fans, puis les amis de mes amis. Petit à petit, presque sans que je m’en aperçoive, Seventeenthebrand
est devenu un label à part entière”, raconte Mohamed Belghali,
le Belge qui habille les grands noms du rap comme Gunna et Wizkid.

Une mode pas nécessairement fashion, ce qui lui donne encore plus d&rsquo;authenticité : bienvenue dans l&rsquo;arrière-cour du streetwear belge, prête à accueillir une assourdissante fashion party.

Qui dit mode belge pense Six d&#39;Anvers, créations avant-gardistes ou designers qui préfèrent rester en retrait. On fait rarement mention de cagoules, bombers, survêts flashy et dents en or. Pourtant, <a href="https://www.lofficiel.be/mode/4-createurs-qui-reinventent-la-mode-belge-a-suivre-de-pres" target="_blank">Arte Antwerp</a>, Seventeenthebrand, Sebnem Gunay, Lil Seb, Broke Studios, Deuxieme Origine, Nsiiah Label et consorts représentent la nouvelle vague du design belge. Le terme &ldquo;streetwear&rdquo; est apparu au début des années 90 dans les cultures hip-hop, surf et skate. Plus qu&#39;une tendance, il s&#39;agit d&#39;un mouvement qui s&rsquo;oppose aux conventions, à moins ce soit l&#39;inverse. Pendant longtemps, les skaters et rappeurs ont symbolisé cette rébellion. Les chemises graphiques, jeans baggy et baskets ont conquis à la fois les sportifs et les artistes, sans oublier bien d&rsquo;autres créatifs aux quatre coins du monde. Ces pièces sont autant d&rsquo;étendards de la personnalité, la culture et la solidarité rassemblant ceux qui refusent de rentrer dans le moule. Une idée qui a le vent en poupe en 2022, à l&#39;ère où toutes les catégories volent en éclat. Quiconque veut saisir la version belge de ce mouvement ne peut ignorer la figure de Bertony Da Silva. En 2009, ce graphiste de formation estimait - à juste titre - que la culture street belge n&#39;était pas suffisamment visible, et c&rsquo;est d&rsquo;ailleurs la raison pour laquelle il a fondé Arte Antwerp, un label qui explore différents mouvements artistiques, de la musique à l&#39;architecture, et souhaite jeter des ponts entre les subcultures. Ses créations se retrouvent sur les épaules de Damso, JeanJass l&#39;a récemment rejoint derrière la table à dessin, et le rappeur Gazo, créateur de la marque BSB, est venu frapper à sa porte, pour ne citer que quelques-uns des noms retentissants qui&nbsp;laissent parler leur créativité à l&rsquo;occasion des réunions désormais célèbres du label anversois. &ldquo;Les Raf Simons et autres Dries Van Noten ont fait de notre ville un bastion du haut de gamme. Mais beaucoup semblent découvrir seulement aujourd&#39;hui ce qui se passe dans la rue ici, au-delà de la scène de la haute couture. Pourquoi est-ce resté sous le radar pendant si longtemps ? Je pense que la mode et la musique sont intimement liées. Au cours des cinq dernières années, la scène hip-hop belge a fait un énorme bond en avant. Il y a toujours eu des artistes actifs dans ce domaine mais aujourd&#39;hui, ils sont enfin entendus.&rdquo; Mohamed Belghali le rejoint. &ldquo;Il s&rsquo;agit à nouveau d&rsquo;une affaire typiquement belge de modestie excessive. On pensait que seul le rap anglophone avait droit de cité et que nous devions tous faire nos preuves deux fois avant d&#39;être entendus. Puis, du jour au lendemain, des artistes des Pays-Bas ont commencé à rapper en néerlandais, démontrant au passage qu&#39;on pouvait vivre de sa passion. Alors les rappeurs belges ont tout à coup réalisé qu&#39;ils pouvaient également raconter leur histoire dans leur langue. Il en va de même du côté francophone. Nous pouvons faire ce que nous voulons, sans devoir nous conformer aux attentes. C&#39;est rafraîchissant, tant pour un artiste que pour son public. La même chose s&#39;est produite dans la mode : des créateurs comme Virgil Abloh ou Bertony Da Silva ont prouvé qu&#39;il n&#39;était pas nécessaire d&#39;avoir suivi une formation classique en mode pour réussir. Ils ont ouvert la voie en montrant que nous pouvions nous aussi devenir des créateurs.&rdquo; Résultat ? L&#39;éclosion sauvage des jeunes talents qui arrivent aujourd&#39;hui sur le devant de la scène.

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&ldquo;C&#39;est une niche dans laquelle un réseau personnel vaut son pesant d&#39;or&rdquo;, poursuit Bertony Da Silva. &ldquo;Je ne paie pas les artistes pour qu&#39;ils portent ma marque, mais je les fréquente. C&#39;est un big deal de travailler avec des célébrités, mais les marques authentiques parviennent à créer une connexion personnelle. C&#39;est pourquoi le rôle d&#39;Arte est également de rassembler physiquement les gens et de stimuler le sentiment d&rsquo;appartenance à une communauté.&rdquo; Il en va de même chez Seventeenthebrand, où le dernier lancement a été célébré tambour battant au son des beats live de Wawa, Chardy, Brian Mg, Cho, Adje ou <a href="https://www.lofficiel.be/hommes/rencontre-avec-frenetik-la-releve-du-rap-belge" target="_blank">Frenetik</a>. &ldquo;La communauté, c&rsquo;est tout&rdquo;, confirme Mohamed Belghali. &ldquo;Je n&#39;avais pas de plan prédéfini pour mon label. Tout s&rsquo;est fait de façon organique, par l&rsquo;intermédiaire de personnes que je connaissais. Un ami footballeur m&#39;a présenté Gunna, et les choses se sont enchaînées. Le plus dingue, c&#39;est que pendant longtemps, on a pensé qu&#39;il y avait peu de place pour le streetwear, qu&rsquo;on allait devoir jouer des coudes pour être sous le feu des projecteurs. Aujourd&#39;hui, nous réalisons qu&#39;il y a de la place pour tout le monde. J&#39;ai le sentiment que ce soutien mutuel nous permet de passer ensemble au niveau supérieur.&rdquo; Des artistes influents comme Hamza, Damso, <a href="https://www.lofficiel.be/tags/angele" target="_blank">Angèle</a> ou JeanJass susurrent aux oreilles des stars influentes ce qui se passe dans nos rues. Mais les yeux ne sont pas en reste, et les marques belges de streetwear peuvent aussi compter sur l&#39;attention croissante des stylistes étrangers. Ainsi, la Belgo-Turque Sebnem Gunay, connue pour son athleisure coloré, a été catapultée au sommet lorsque la styliste des s&oelig;urs Hadid l&rsquo;a contactée. Sebnem Gunay base ses looks groovy sur le R&amp;B, le hip-hop et le funk des années 80 et 90, mélangés aux codes typiques de sports tels que le tennis, le ballet ou l&#39;athlétisme. &ldquo;J&#39;essaie délibérément de dépoussiérer des subcultures ou des références, tout en les associant à des looks auxquels on ne penserait pas d&rsquo;emblée. Je veux utiliser de nouvelles couleurs et des formes inédites, surprendre avec des combinaisons - imaginez Aaliyah qui prendrait des cours de natation. Avant, j&#39;étais moins audacieuse ; je croyais que je devais proposer des looks sobres car nous vivons dans un pays gris. À chaque fois que je créais quelque chose, je me demandais si les Belges allaient l&#39;acheter. Maintenant que je peux compter sur une communauté internationale, je crée en pensant au monde entier. Je ne crains plus de proposer un survêt orange vif. En pensant à échelle mondiale, je touche le monde entier. Par ailleurs, je constate que le public belge prend désormais de plus en plus de risques.&rdquo;

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Citoyens du monde ou non, lorsque la Belgique accouche de quelque chose, ça présente forcément une qualité particulière. Dans le cas d&#39;Arte, un mouvement animé au départ par un esprit de rébellion s&#39;est transformé en un label qui célèbre l&#39;art et la culture sous toutes ses formes. &ldquo;Le streetwear est par définition quelque chose d&#39;organique. Je suis né et j&#39;ai grandi à Anvers, une influence palpable&nbsp;dans tout ce que je fais&rdquo;, explique Da Silva. &ldquo;Grandir ici donne automatiquement un bagage différent. Rien à voir avec Berlin ou Amsterdam. Quand on a baigné dans un tel bouillon de culture pendant si longtemps, ce n&#39;est pas sans conséquences. On n&#39;associe pas immédiatement l&rsquo;Art nouveau au streetwear. Pourtant, j&#39;en ai fait une collection. Elle est authentique car sincère et issue de mon environnement direct.&rdquo; Wallons et Flamands, influences françaises et néerlandaises, villes du monde à quelques heures de train : la Belgique est un melting pot de cultures, et ça se ressent. Nos artistes sont habitués au chaos ; jongler avec les influences est dans leurs gènes. C&#39;est exactement la raison pour laquelle le streetwear, qui est essentiellement un dialogue culturel, ne se laisse pas piéger par les &ldquo;codes&rdquo; qui menacent de rendre l&#39;ensemble étriqué. Aujourd&#39;hui, les grandes chaînes et les maisons de luxe proposent des baskets et des bombers intéressants sur le plan commercial, mais le résultat manque d&rsquo;âme. C&#39;est exactement la raison pour laquelle le regretté <a href="https://www.lofficiel.be/mode/les-defiles-les-plus-emblematiques-de-virgil-abloh" target="_blank">Virgil Abloh</a>, le dieu suprême du streetwear, a annoncé il y a quelques années que le phénomène était voué à disparaître. Un nouveau chapitre s&#39;ouvre : le streetwear connaît une seconde vie grâce à des pollinisations croisées avec le vintage, la haute couture et même la mode virtuelle. Le survêt et le costume sur mesure, traditionnellement considérés comme deux antagonistes, ne s&#39;excluent plus mutuellement. &ldquo;Je vois le streetwear devenir encore plus créatif et tutoyer la haute couture&rdquo;, prédit Sebnem Gunay. &ldquo;Après presque trois ans de Covid, nous en avons assez du jogging, sans vouloir renier la street attitude. Un blazer sur un training, une vareuse de sport avec des manches de costume, un costume sur mesure orné d&rsquo;imprimés graphiques : je pense qu&#39; il y a encore beaucoup de pistes intéressantes à explorer dans le domaine du tailoring. Notre communauté évoluera en même temps que nous et elle sera prête à débourser davantage pour ce genre de streetwear design. Le public préférera un investissement durable aux achats compulsifs de ces dernières années.&rdquo; Et Mohamed Belghali d&#39;ajouter : &ldquo;Je pense que ce sera surtout un grand mélange de... tout ça. L&#39;autre jour à notre lancement, j&#39;ai croisé des hommes en costume portant l&#39;une de nos cagoules. Il ne s&#39;agit plus d&rsquo;opposer certaines pièces à d&rsquo;autres. Le streetwear, c&#39;est être capable de se définir soi-même, avoir son propre style. Si tant est qu&rsquo;un jour de tels codes aient existé, ils ont été brisés. Il s&#39;agit de raconter sa propre histoire à travers des marques qui, elles aussi, racontent la leur de manière authentique. Et ça, et seulement ça, c&rsquo;est avoir un style fort.&rdquo; Une chose est sûre : on n&#39;a pas fini d&rsquo;entendre parler - haut et fort - des labels streetwear belges.

Comment les labels de streetwear belges s'imposent sur la scène mode ?

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