L&rsquo;emballant et malicieux "Ast&eacute;rix et Ob&eacute;lix : L&rsquo;Empire du Milieu" fera assur&eacute;ment l&rsquo;actualit&eacute; de l&rsquo;hiver. Entretien avec son r&eacute;alisateur, Guillaume Canet.

Photographie L&eacute;on Prost

L&rsquo;Officiel Hommes : Comment est n&eacute; ce projet ? Guillaume Canet : Pour une fois, c&rsquo;est mon producteur de toujours, Alain Attal, qui m&rsquo;a appel&eacute;, alors qu&rsquo;en g&eacute;n&eacute;ral c&rsquo;est moi qui l&rsquo;appelle ! Lui aussi avait &eacute;t&eacute; approch&eacute; avec cette id&eacute;e de faire un Ast&eacute;rix. Il avait un traitement de 20 pages, qu&rsquo;il m&rsquo;a fait passer. Imm&eacute;diatement, d&egrave;s que je ne connais pas quelque chose, que je sens que je vais me mettre en danger, j&rsquo;ai envie d&rsquo;y aller. C&rsquo;est l&agrave; qu&rsquo;on apprend le plus. En lisant le traitement, j&rsquo;aimais cette promesse de voyage, d&rsquo;aventures, de pouvoir faire un film &eacute;pique, populaire, avec de grandes batailles, comme l&rsquo;on n&rsquo;en voit plus tellement en France. Me replonger dans Ast&eacute;rix me plaisait aussi, je le lisais enfant, et maintenant je lis les albums &agrave; mes enfants. R&eacute;aliser un film qu&rsquo;ils puissent voir me tentait aussi. 
L&rsquo;OH : Le film est une histoire originale. &Eacute;tait-ce lib&eacute;rateur de ne pas avoir un album existant comme point de d&eacute;part ? GC : C&rsquo;est plus compliqu&eacute; que &ccedil;a : &agrave; la fois oui, parce que tu as une grande libert&eacute; de narration, mais en m&ecirc;me temps, j&rsquo;ai d&ucirc; prendre en consid&eacute;ration les ayants droit, ce qui est bien normal, ils s&rsquo;assurent que l&rsquo;on reste bien fid&egrave;le &agrave; l&rsquo;ADN Ast&eacute;rix, ce qui est tout &agrave; fait compr&eacute;hensible. 
L&rsquo;OH : Vous avez l&rsquo;habitude de faire des story-boards, en avez-vous beaucoup fait sur ce film ? GC : Certaines s&eacute;quences de certains films &eacute;taient story-board&eacute;es, quand elles &eacute;taient complexes &agrave; r&eacute;aliser. Sur Ast&eacute;rix, il y en a eu beaucoup, avec aussi de nombreux d&eacute;coupages, de pr&eacute;visualisations num&eacute;riques pour &ecirc;tre s&ucirc;rs de ce que nous allions tourner. C&rsquo;&eacute;tait assez nouveau pour moi, sur mes autres films j&rsquo;&eacute;tais un peu au supermarch&eacute; sur le plateau, je tournais toujours avec plusieurs cam&eacute;ras, pour voler ici et l&agrave; ce qui m&rsquo;int&eacute;ressait, &agrave; part sur Lui (sorti en 2021), qui avait un petit budget, tourn&eacute; avec une seule cam&eacute;ra, en un mois. Sur Ast&eacute;rix, il fallait que je sois certain de ce que j&rsquo;allais raconter et comment j&rsquo;allais le raconter. Quand le confinement est arriv&eacute;, nous &eacute;tions en pleine pr&eacute;paration, donc j&rsquo;ai voulu tourner Lui tr&egrave;s vite. Cette exp&eacute;rience m&rsquo;a beaucoup aid&eacute; &agrave; aborder ce tournage, &agrave; tout pr&eacute;parer en avance. Je joue le r&ocirc;le principal, ce qui n&rsquo;&eacute;tait pas pr&eacute;vu &agrave; l&rsquo;&eacute;criture, moi je pensais jouer C&eacute;sar, j&rsquo;aimais bien l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;incarner ce type un peu d&eacute;pressif... Gilles Lellouche m&rsquo;a fait remarquer que cela &eacute;voquerait peut-&ecirc;tre un peu trop Rock&rsquo;n&rsquo;Roll, et Path&eacute;, le producteur, m&rsquo;a eu &agrave; l&rsquo;usure en me faisant remarquer qu&rsquo;on avait des points communs avec Ast&eacute;rix, un peu nerveux et soucieux de tout faire dans les r&egrave;gles. Bref, une fois sur le tournage, il fallait que tout soit pr&ecirc;t et cadr&eacute;.

Crédits : Veste Worker en cuir, AMI ▪ Pull sans manches Ami De Cœur en laine, AMI ▪ Pantalon large en laine, AMI

L&rsquo;OH : Avoir tourn&eacute; Lui juste avant a vraiment chang&eacute; votre approche de la mise en sc&egrave;ne ? GC : Oui, cela m&rsquo;a permis d&rsquo;apprendre &agrave; aller &agrave; l&rsquo;essentiel, d&rsquo;avoir tous les plans en t&ecirc;te en arrivant le matin, pour que je sois concentr&eacute; sur mon jeu. 
L&rsquo;OH : Comment g&eacute;rer des sc&egrave;nes avec des centaines de figurants ? GC : Il y en avait pr&egrave;s de 500 sur la sc&egrave;ne de bataille finale... Tout le monde &eacute;tait en jupes et sandales, et il faisait froid, il pleuvait, il y avait de la brume, il y avait un vent pas possible... Donc, tout le monde mettait des polaires et, bien s&ucirc;r, &eacute;tait masqu&eacute;. C&rsquo;&eacute;tait intense ! 
L&rsquo;OH : Vous aviez mis au point un moodboard avec les &eacute;quipes en charge des d&eacute;cors, des costumes, etc. ? GC : Je tenais vraiment &agrave; la v&eacute;racit&eacute;, je ne voulais pas d&rsquo;un film cartoon. Je voulais que les d&eacute;cors, les costumes soient r&eacute;alistes, &agrave; l&rsquo;image de Braveheart par exemple. La cr&eacute;atrice des costumes, Madeleine Fontaine, est all&eacute;e tr&egrave;s loin dans cette recherche d&rsquo;authenticit&eacute;. Les costumes gaulois sont teints &agrave; la main avec des pigments anciens dans des chaudrons, ceux des protagonistes chinois ont aussi fait l&rsquo;objet d&rsquo;une grande attention, tout &eacute;tait d&eacute;coup&eacute; et recousu &agrave; la main. J&rsquo;ai envie que le film marche parce que c&rsquo;&eacute;tait tellement de travail, mais pas que pour moi, pour toutes les &eacute;quipes qui ont boss&eacute; pendant des mois et des mois. On a d&ucirc; faire 6-8 mois de pr&eacute;paration.

L&rsquo;OH : Quels sont les films qui vous ont inspir&eacute; ? GC : Braveheart de Mel Gibson dont je parlais plus t&ocirc;t, mais aussi ceux de Tsui-Hark, d&rsquo;Ang Lee... J&rsquo;ai fait quelques clins d&rsquo;&oelig;il aussi au cin&eacute;ma de Sergio Leone, &agrave; des com&eacute;dies populaires comme Les Bronz&eacute;s ou La Ch&egrave;vre de Francis Veber... 
L&rsquo;OH : Quelles ont &eacute;t&eacute; les autres influences ? GC : &Eacute;videmment les bandes dessin&eacute;es, c&rsquo;&eacute;tait essentiel pour moi qu&rsquo;Ast&eacute;rix et Ob&eacute;lix soient au centre du film. Je savais aussi que pour Gilles Lellouche c&rsquo;&eacute;tait important en tant qu&rsquo;acteur d&rsquo;avoir de quoi faire, pour jouer, que son personnage soit attachant et cr&eacute;dible. Je trouvais mignon aussi d&rsquo;inventer comment Ob&eacute;lix &eacute;tait tomb&eacute; dans la potion magique... 
L&rsquo;OH : Avez-vous revu les autres films de la franchise ? GC : Au tout d&eacute;but de la pr&eacute;paration, pour m&rsquo;y replonger, mais apr&egrave;s j&rsquo;ai essay&eacute; de les oublier pour faire mon propre film. 
L&rsquo;OH : Vous arrivez &agrave; voir d&rsquo;autres films quand vous travaillez sur les v&ocirc;tres ? GC : Quand je suis en pr&eacute;paration, oui, pour m&rsquo;inspirer de certaines lumi&egrave;res, certains plans. Mais une fois sur le tournage, non, j&rsquo;essaie d&rsquo;&ecirc;tre uniquement concentr&eacute; sur ce que je fais et sur ce que je raconte. 
L&rsquo;OH : Comment avez-vous construit ce casting ? GC : Je ne voulais pas qu&rsquo;il y ait de cam&eacute;o gratuit, apparaissant sans raison particuli&egrave;re. Par exemple, je voulais qu&rsquo;Ang&egrave;le ait quelque chose &agrave; d&eacute;fendre, comme Orelsan, ou Zlatan. Il y avait une volont&eacute; de faire exister tous les personnages. Voir l&rsquo;enthousiasme de celles et ceux que j&rsquo;ai contact&eacute;s &eacute;tait super agr&eacute;able. M&ecirc;me Zlatan connaissait Ast&eacute;rix. Il m&rsquo;a demand&eacute; &ldquo;you&rsquo;re not gonna pay me with a pass for one-year at the Parc Ast&eacute;rix ?&rdquo; Je lui ai r&eacute;pondu de voir &ccedil;a avec mon producteur ! 
L&rsquo;OH : S&rsquo;il y a bien un fil rouge dans vos films, c&rsquo;est l&rsquo;&eacute;loge de l&rsquo;amiti&eacute;... GC : J&rsquo;aimais bien l&rsquo;id&eacute;e de filmer des trajets personnels, qui s&rsquo;&eacute;loignent un peu, d&eacute;couvrent l&rsquo;amour... On sait que parfois dans l&rsquo;amiti&eacute;, ce qui peut ab&icirc;mer une relation amicale, c&rsquo;est de tomber amoureux. Cela permettait de filmer de v&eacute;ritables retrouvailles &agrave; la fin. Quoiqu&rsquo;il arrive, l&rsquo;amiti&eacute; d&eacute;passe tout. 
L&rsquo;OH : Pensez-vous que cette exp&eacute;rience va influencer votre prochain projet ? GC : Oui, c&rsquo;est s&ucirc;r. J&rsquo;avais envie de repartir sur un petit tournage, avec peu d&rsquo;acteurs. Mais j&rsquo;ai aussi d&eacute;couvert une autre fa&ccedil;on de travailler, notamment avec des effets sp&eacute;ciaux, qui offrent des perspectives dingues. C&rsquo;est assez excitant d&rsquo;imaginer plein de possibilit&eacute;s &agrave; l&rsquo;&eacute;criture. Je ne sais pas encore ce que je vais faire, j&rsquo;ai beaucoup de projets en tant qu&rsquo;acteur cette ann&eacute;e.

Crédits : Pull à col rond Ami De Cœur en laine, AMI ▪ Pantalon droit en coton, AMI ▪ Basket basses à scratch en cuir, AMI

Crédits : Polo Argyle en laine, AMI ▪ Pantalon large en laine, AMI ▪ Mocassins en cuir à bout carré, AMI

L&rsquo;OH : Vous travaillez beaucoup ces derniers temps, vous arrivez &agrave; couper ? GC : Cet &eacute;t&eacute;, j&rsquo;ai pris deux mois plein, cela ne m&rsquo;&eacute;tait pas arriv&eacute; depuis longtemps. J&rsquo;ai pris du temps avec ma famille, mes potes... Je lis, je fais du sport, je mate des films... R&eacute;cemment j&rsquo;ai ador&eacute; As Bestas (un film r&eacute;alis&eacute; par Rodrigo Sorogoyen avec Marina Fo&iuml;s, Denis M&eacute;nochet, sorti en 2022). 
L&rsquo;OH : Aupr&egrave;s de qui avez-vous le plus appris ? GC : Patrice Ch&eacute;reau (avec qui Guillaume Canet a tourn&eacute; Ceux qui m&rsquo;aiment prendront le train en 1998, ndlr). C&rsquo;est un souvenir incroyable. J&rsquo;&eacute;tais stup&eacute;fait par sa mani&egrave;re de travailler. Souvent, sur un plateau, quand le r&eacute;alisateur dit &ldquo;coupez&rdquo;, c&rsquo;est un peu le bordel, tout le monde bouge, &ccedil;a ressemble &agrave; un hall de gare, alors que tu sors d&rsquo;un sas de jeu, de concentration. Avec lui, il n&rsquo;y a pas un bruit, il vient voir les acteurs et les actrices, donne ses indications, et toute l&rsquo;&eacute;quipe reste &agrave; sa place, &eacute;coute ce qu&rsquo;il dit et sait ce qu&rsquo;il faudra faire en fonction ce qu&rsquo;il vient de dire. Tu as le temps de r&eacute;fl&eacute;chir &agrave; ce qu&rsquo;il a dit, l&rsquo;&eacute;quipe technique aussi. Mais tu apprends de toutes les exp&eacute;riences, les bonnes comme les moins bonnes. 
L&rsquo;OH : Vous parlez de Ch&eacute;reau, avez-vous envie de refaire du th&eacute;&acirc;tre ? GC : Terriblement ! J&rsquo;ai commenc&eacute; par le spectacle vivant, j&rsquo;ai travaill&eacute; dans un cirque pendant un an et demi, j&rsquo;ai jou&eacute; un peu au th&eacute;&acirc;tre, et j&rsquo;adorais &ccedil;a. En venant jusqu&rsquo;au studio aujourd&rsquo;hui, je suis pass&eacute; devant une affiche du Th&eacute;&acirc;tre H&eacute;bertot, o&ugrave; j&rsquo;avais jou&eacute; la pi&egrave;ce de Montherlant, La Ville dont le prince est un enfant (en 1993, ndlr). Je repensais &agrave; l&rsquo;ambiance dans la loge, l&rsquo;angoisse qui monte avant le d&eacute;but de la repr&eacute;sentation, le contact avec le public, tous les soirs c&rsquo;est un &eacute;ternel recommencement... 
L&rsquo;OH : Aujourd&rsquo;hui, les artistes sont souvent plus ou moins somm&eacute;s de prendre position sur des sujets de soci&eacute;t&eacute; ou des enjeux politiques. Vous sentez-vous concern&eacute; par cette obligation tacite ? GC : J&rsquo;ai toujours trouv&eacute; tr&egrave;s juste ce que disait Belmondo dans un entretien : chaque com&eacute;dien se doit d&rsquo;&ecirc;tre un citoyen, sans forc&eacute;ment communiquer dessus, il faut garder une part de myst&egrave;re pour ne pas &ecirc;tre catalogu&eacute; dans une position politique. En revanche, il n&rsquo;y a pas longtemps, je me suis senti le devoir de soutenir le monde paysan, en tournant Au nom de la terre (un film d&rsquo;&Eacute;douard Bergeon, en 2019, ndlr). Je viens de faire un documentaire pour Brut, sur l&rsquo;association Terre de Liens, qui fait un travail extraordinaire pour sauvegarder les fermes qui disparaissent. Chaque semaine, 200 fermes disparaissent. J&rsquo;utilise ma notori&eacute;t&eacute; pour les aider. Il n&rsquo;y a pas assez de prise de conscience que le monde paysan est essentiel &agrave; notre vie. Chaque jour, un agriculteur se suicide. Il faut arr&ecirc;ter ce cycle. On importe des tourteaux de soja sous OGM, alors que leur production est interdite en France, c&rsquo;est une h&eacute;r&eacute;sie. Je me suis senti le devoir de mobiliser, ayant grandi &agrave; la campagne et me sentant tr&egrave;s proche des paysans. 
L&rsquo;OH : Pareillement, quel est votre rapport aux r&eacute;seaux sociaux ? GC : Je m&rsquo;en occupe moi-m&ecirc;me. Pendant un moment, j&rsquo;ai trouv&eacute; &ccedil;a assez dr&ocirc;le. Puis, moins... Je m&rsquo;en sers surtout pour la promotion de mes films sur Instagram et partager quelque chose avec une communaut&eacute;, cela reste dans un esprit sympathique. Je me rends compte que j&rsquo;aime bien donner &agrave; voir ce qui me pla&icirc;t en tant que spectateur. L&rsquo;autre jour, j&rsquo;ai mis en ligne des d&eacute;coupages de Ne le dis &agrave; personne. Sinon j&rsquo;aime assez poster des vid&eacute;os un peu connes... J&rsquo;ai quitt&eacute; Twitter, j&rsquo;avais du mal avec l&rsquo;id&eacute;e de donner des bouts de viande &agrave; des b&ecirc;tes f&eacute;roces ! 
L&rsquo;OH : &Ecirc;tes-vous tent&eacute; par l&rsquo;&eacute;criture de s&eacute;ries ? GC : J&rsquo;ai tendance par faire des films assez longs... J&rsquo;ai toujours aim&eacute; d&eacute;velopper les r&ocirc;les secondaires, raconter des histoires pour les faire exister. Une s&eacute;rie donne la possibilit&eacute; d&rsquo;&eacute;tirer la narration, c&rsquo;est assez kiffant.

Make up &Eacute;lisabeth Doucet avec Charlotte Tilbury
Hairstylist Alexandrine Piel avec l'Or&eacute;al Pro

Ast&eacute;rix et Ob&eacute;lix : L&rsquo;Empire du Milieu. En salles le 1er f&eacute;vrier.
Avec Guillaume Canet, Gilles Lellouche, Leanna Chea, Linh-Dan Pham, Ramzy Bedia, Marion Cotillard, Vincent Cassel, Jonathan Cohen...

Canet, l’irréductible

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