En avril 2023, 26 actrices afro-descendantes se sont r&eacute;unies dans une campagne de sensibilisation pilot&eacute;e par Priscilla Adade et&nbsp;visant &agrave; d&eacute;noncer les discriminations qui persistent en Belgique.&nbsp;

S&eacute;ance photo, reportage vid&eacute;o, couverture Instagram... La campagne &ldquo;Actrices Afro-descendantes&rdquo; fait le point sur les discriminations que subissent les actrices Afro-descendantes dans les industries audiovisuelles belges. &nbsp;&ldquo;On est invisible, on est l&agrave; mais on ne nous voit pas, on ne nous consid&egrave;re pas, on nous croit &eacute;changeable&rdquo; explique l&rsquo;actrice et r&eacute;alisatrice Priscilla Adade, &agrave; l'origine du projet. R&eacute;unies par cette derni&egrave;re, 26 actrices afro-descendantes prennent ainsi la parole et t&eacute;moignent des discriminations qu&rsquo;elles subissent dans leur carri&egrave;re.

ACTRICES Afro-descendantes

Les pr&eacute;misses d&rsquo;une campagne qui fait &eacute;cho
Inspir&eacute;e sur les injustices, sur les reproductions des discriminations et les probl&egrave;mes de soci&eacute;t&eacute; dans le cin&eacute;ma, Priscilla Adade a trouv&eacute; son leitmotiv : sensibiliser et visibiliser ces questions cruciales pour un changement de paradigme dans les industries du 7e art belge. Act for change,&nbsp; Noire n&rsquo;est pas mon m&eacute;tier d&rsquo;A&iuml;ssa Ma&iuml;ga et Ouvrir la voix&nbsp;d&rsquo;Amandine Gay, sont quelques un des mouvements, des livres, des personnes qui l'ont inspir&eacute;e au cours de sa vie. Et autant de raisons pour laquelle elle lance sa campagne &ldquo;Actrices&nbsp; Afro-descendantes&rdquo; : "J&rsquo;ai eu l&rsquo;id&eacute;e de nous rencontrer et de nous rendre compte des dysfonctionnements du syst&egrave;me. Dans quoi on nous assigne tout le temps, par exemple des seconds r&ocirc;les, des r&ocirc;les qui nous d&eacute;-sublimaient, des r&ocirc;les de rangs sociaux plus bas, avec des st&eacute;r&eacute;otypes li&eacute;s &agrave; notre couleur de peau" explique Priscilla Adade.
L'actrice, productrice et r&eacute;alisatrice d&eacute;voile la face cach&eacute;e de cette profession id&eacute;alis&eacute;e et convoit&eacute;e par beaucoup : &ldquo;Il y a un truc qui est un peu vicieux, c&rsquo;est qu&rsquo;on fait un m&eacute;tier glamour, un m&eacute;tier que beaucoup envie, mais c&rsquo;est pas facile de parler des dysfonctionnements &agrave; des gens qui ne sont pas dedans. Il ne faut pas se plaindre parce qu'au moins, nous faisons un m&eacute;trier passion, mais &ccedil;a ne veut pas dire qu&rsquo;on ne vit pas le racisme quotidiennement dans le travail&rdquo;. Face &agrave; ce constat, Priscilla Adade cr&eacute;e ainsi un lieu de rencontre, un safe space, mettant en valeur les actrices afro-descendantes, afin de t&eacute;moigner, partager des exp&eacute;riences et mettre en lumi&egrave;re des discriminations toujours pr&eacute;sentes en 2023 dans l&rsquo;audiovisuel.&nbsp;
Soutenu par la F&eacute;d&eacute;ration Wallonie Bruxelles et Equal.brussels, le projet a &eacute;t&eacute; pens&eacute; en plusieurs parties avec deux r&eacute;unions combinant t&eacute;moignages &eacute;mouvants et rencontres, un shooting photo r&eacute;alis&eacute; par Gilles Njaheut, un reportage vid&eacute;os r&eacute;alis&eacute; par Priscilla Adade et St&eacute;phane Bossa, et une s&eacute;ance de &ldquo;gu&eacute;rison&rdquo;, un point important pour l&rsquo;actrice : &ldquo;On a fait une s&eacute;ance de BreathWork o&ugrave;, vraiment, c&rsquo;&eacute;tait la partie de gu&eacute;rison du projet, qui est aussi importante. Pour moi, le racisme est un trauma qui doit &ecirc;tre trait&eacute; comme tout autre traumatisme&rdquo;.&nbsp;
Apr&egrave;s le d&eacute;but de la campagne, Priscilla Adade constate le retentissement de la question de la visibilisation au-del&agrave; des fronti&egrave;res : &rdquo;Certaines actrices venaient me voir et me remerciaient d&rsquo;en parler, j&rsquo;ai eu des retours d&egrave;s la cr&eacute;ation de la plateforme Instagram, parce qu&rsquo;on n&rsquo;a pas vraiment notre plateforme&rdquo;. Pour la suite ? Elle envisage un congr&egrave;s europ&eacute;en, d&rsquo;autres r&eacute;unions de sensibilisation au niveau politique, au niveau des industries, et au niveau &eacute;ducationnel. Soit, le d&eacute;but d'une grande histoire.

La visibilisation des actrices afro-descendantes au c&oelig;ur de l&rsquo;actualit&eacute;
Dans l&rsquo;actualit&eacute; cette ann&eacute;e, de nombreux films et s&eacute;ries ont fait pol&eacute;miques, notamment des productions impliquant des actrices afro-descendantes, pour les raisons point&eacute;es par la campagne de Priscilla Adade. Depuis Ariel jou&eacute;e par <a href="https://www.lofficiel.be/art-culture/halle-bailey-6-choses-a-savoir-sur-l-actrice-qui-va-incarner-la-petite-sirene" target="_blank" rel="noopener">Halle Bailey</a> dans l'adaptation live-action de <a href="https://www.lofficiel.be/art-culture/la-petite-sirene-le-film-en-live-action-est-encore-mieux-que-le-dessin-anime" target="_blank" rel="noopener">La Petite Sir&egrave;ne</a>, jusqu'&agrave; Clochette interpr&eacute;t&eacute;e par Yara Shahidi dans le dernier film Peter Pan sorti sur Disney+, les repr&eacute;sentations de personnages afro-descendants commencent &agrave; casser les codes et les imaginaires encore conservateurs. Que ces choix soient motiv&eacute;s par du tok&eacute;nisme et des strat&eacute;gies commerciales pour certains, ou qu'il s'agisse d'une v&eacute;ritable cons&eacute;cration pour d&rsquo;autres, Priscilla Adade appr&eacute;cie n&eacute;anmoins ces &eacute;volutions : &ldquo;Moi j&rsquo;adore &ccedil;a et je veux de plus en plus ce genre de choses. Ce qu&rsquo;on montre dans nos m&eacute;tiers c&rsquo;est du faux et c&rsquo;est magique. On va jouer Rom&eacute;o et Juliette et on n&rsquo;est pas &agrave; Venise, par contre d&egrave;s qu&rsquo;on commence &agrave; parler de la couleur de peau, l&agrave; on va poser des questions &ldquo;c&rsquo;est pas logique pourquoi elle serait noire ?&rdquo;&rdquo;. Pour Priscilla Adade, la question de la repr&eacute;sentation est primordiale, surtout chez les jeunes : &ldquo;On ne s&rsquo;identifie pas &agrave; la couleur de peau mais au personnage. Par contre, montrer &agrave; des petites filles noires que tu peux &ecirc;tre Ariel, il y a des gens qui te ressemblent &agrave; l&rsquo;&eacute;cran. C&rsquo;est hyper important de te voir repr&eacute;sent&eacute;e dans tout en fait.&rdquo;&nbsp;
Du c&ocirc;t&eacute; des superh&eacute;ros, rappelons que le succ&egrave;s de Black Panther a rapport&eacute; 1,3 milliard de dollars de recettes en 2018. Dans ce film, les cultures africaines sont au centre du propos. Avec cette communaut&eacute; riche, moderne, aux ressources multiples, la repr&eacute;sentation de personnages afro-descendants est &agrave; son apoth&eacute;ose, ce qui favorise un succ&egrave;s sans pr&eacute;c&eacute;dent chez le public, comme l'explique Priscilla Adade : "Il y a toute une modernit&eacute;, c&rsquo;est hyper bien tourn&eacute;, c&rsquo;est une histoire vachement bien &eacute;crite. C&rsquo;est ceux qui sont all&eacute;s le plus dans les d&eacute;tails et ils ont montr&eacute; la diversit&eacute; en Afrique.&rdquo; Elle souhaiterait voir des histoires similaires produites en Europe, mais faute de moyens, les histoires racont&eacute;es conviennent aux attentes des industries audiovisuelles, des attentes encore trop st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;es.&nbsp;
Sur la pol&eacute;mique concernant l&rsquo;image st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;e des personnages maghr&eacute;bins de la s&eacute;rie Netflix Jusqu'ici tout va bien de Nawell Madani, Priscilla Adade t&eacute;moigne de la difficult&eacute; de ce milieu : &ldquo;C&rsquo;est dur, je connais tellement le milieu. Quand on pr&eacute;pare des dossiers et des scripts, on les envoie &agrave; des producteurs et des productrices qui sont majoritairement blancs, ils ont une vision de ce qu&rsquo;ils veulent raconter et une vision st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;e du monde. Ils vont donner de l&rsquo;argent pour les histoires qui vont aller dans ce sens-l&agrave;. Moi, en tant que r&eacute;alisatrice, je sais pour quels projets on me donne vite de l&rsquo;argent et pour quels projets non&rdquo;. Pour la r&eacute;alisatrice, c&rsquo;est un triste moyen de d&eacute;marrer une carri&egrave;re : "Mais malheureusement, souvent, nous n'avons pas le choix. Les premiers films vont aller dans le sens des attentes des producteurs dont l'imaginaire est clich&eacute; et st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;s, mais apr&egrave;s la r&eacute;ussite de ce premier "test", ils et elles pourront enfin traiter de sujets qui leur tiennent sinc&egrave;rement &agrave; c&oelig;ur. C'est triste mais c'est un stratag&egrave;me qui fonctionne".
L'imaginaire encore st&eacute;r&eacute;otyp&eacute; et born&eacute; des industries a un impact sur la visibilisation des actrices, mais aussi sur les clich&eacute;s des femmes afro-descendantes dans la vie r&eacute;el, pr&eacute;cise Priscilla Adade : &rdquo;Si on arrive &agrave; changer l&rsquo;image de l&rsquo;actrice afro-descendante au cin&eacute; ou&nbsp; au th&eacute;&acirc;tre, en Belgique, en Europe, &ccedil;a va clairement aider &agrave; l&rsquo;imaginaire pour les gens qui croisent une afro-descendante dans la rue. Je veux qu&rsquo;on nous repr&eacute;sente comme on est l&agrave; aujourd&rsquo;hui. Parce que les repr&eacute;sentations qu&rsquo;on voit aujourd&rsquo;hui sont p&eacute;joratives. &nbsp;Il y a moins de r&ocirc;les int&eacute;ressants, d&rsquo;opportunit&eacute;s, et on ne voit pas ta gamme de jeu&rdquo;.&nbsp;

Quelles solutions ?
R&eacute;aliser des films, &eacute;crits par des cin&eacute;astes afro-descendants, en augmentant les financements, cr&eacute;er ses propres histoires, sont les solutions pour mettre en avant et en valeur la communaut&eacute; afro-descendante, souligne la r&eacute;alisatrice : &ldquo;Beaucoup disent de produire nous-m&ecirc;me nos projets mais on doit &ecirc;tre pr&ecirc;te &agrave; le faire. J&rsquo;en avais marre de jouer des petits r&ocirc;les donc je dois raconter moi-m&ecirc;me mes histoires&rdquo;. La nomination de la premi&egrave;re actrice afro-descendante noire durant la c&eacute;r&eacute;monie des Magritte 2023, une c&eacute;r&eacute;monie consacr&eacute;e aux productions&nbsp; du cin&eacute;ma belge et francophone, n&rsquo;est pas pass&eacute;e inaper&ccedil;ue pour l&rsquo;actrice : &ldquo;On a eu quand m&ecirc;me cette ann&eacute;e la premi&egrave;re actrice afro-descendante a &ecirc;tre nomm&eacute;e aux Magritte et c&rsquo;&eacute;tait un film - &ldquo;Juwaa&rdquo; - r&eacute;alis&eacute; par un r&eacute;alisateur afro-descendant - Nganji Mutiri -, qui a racont&eacute; une histoire riche avec une mati&egrave;re riche. Babetida Sadjo a &eacute;t&eacute; nomm&eacute;e meilleure actrice, elle a pu l&rsquo;&ecirc;tre car on a vu une actrice afro-descendante avec toutes ces gammes de jeu, et une histoire qui n&rsquo;&eacute;tait pas mis&eacute;rabiliste&rdquo;.

Sensibiliser &agrave; la visibilisation d&rsquo;actrices afro-descendantes &agrave; leur juste valeur et d&eacute;noncer les discriminations qu&rsquo;elles subissent en jouant des r&ocirc;les r&eacute;ducteurs et mis&eacute;rabilistes, l&agrave; est l&rsquo;id&eacute;e principale de la campagne "Actrices Afro-descendante".&nbsp;

Actrices Afro-descendantes : le film qui dénonce les discriminations dans le cinéma belge

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